Quand, la fameuse nuit de l’auberge au bord de la Loire, elle avait conduit Jonas jusqu’à elle, à l’instant où elle l’avait senti entrer doucement en elle, elle avait su que ce serait le miracle. Et lui, entre l’instant où il avait commencé d’entrer et celui où il était arrivé au fond de la profondeur d’elle, il avait vécu les sept jours de la création. Et lorsqu’il fut là, il n’y eu plus rien de lui qui existât que cette petite ronde partie de lui au bout de lui au milieu d’elle, lui tout entier en cette extrémité qui touchait et qui sentait, et qu’elle tenait enfermée dans le creux de son corps. Il aurait voulu ne plus jamais bouger, mais le grand mouvement universel était monté en lui par les racines, et il s’était mis, lentement, à reculer, à revenir, à explorer, avec précaution, il avait peur de casser des choses… Et dans la nuit chaude de ce monde inconnu où il était entré, il avait délivré, pour elle, du bout de lui-même, des joies miraculeuses, interminables, inimaginables, dont elle ne soupçonnait même pas qu’elles pussent exister… Elle n’y croyait pas… ce n’était pas vrai !... ce n’était pas possible !... Jamais !... Jamais !... Toi ! Toi ! Toi !... C’est ainsi qu’elle avait commencé à lui parler, sans entendre ce qu’elle disait, mais plus rien ne pouvait être ridicule. Elle avait parlé, puis elle avait gémi, crié, puis elle s’était tue. Quand il s’était retiré, ébloui et reconnaissant du bonheur qu’il avait donné et de celui qu’il avait reçu, il l’avait laissé comblée et apaisée comme la mer ensoleillée, emplie dans toute sa chair de la splendeur des étés, celle dont sont gorgés les pêches et les blés. Et elle n’avait plus jamais eu froid ni soif ni peur de rien. Et lui s’était toujours approché d’elle avec le même émerveillement et la même douceur.
R. Barjavel
Particulièrement La Nuit des Temps. :)