Je retiens mes larmes. Comme si ne pas pleurer signifier être plus forte, avoir fait le bon choix. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’empêche ma tristesse de paraître. Je sais, au fond de moi, qu’aujourd’hui on est allé trop loin. On aurait du stopper cette mascarade avant d’en arriver à la tristesse et la colère. Je n’ai jamais réussi à digérer la trahison et les mensonges. Je tente d’oublier, d’effacer de mes pensées, mais ça revient sans cesse : la peur, le doute, les craintes ne sont pas compatibles avec l’amour. A chaque sortie j’ai peur qu’il me trompe. Je ne supporte plus qu’il parle, regarde ou pense à une fille. Il m’a déjà montré qu’il pouvait plaire à d’autres, qu’il pouvait partir avec une autre, plus laide, bien plus conne, mais qu’importe c’est une autre. Et même s’il jure qu’il ne me trompera pas, qu’est ce qui me le prouve maintenant que ses actes ont démonté le contraire ? Alors j’ai lâchement fuit. Je me suis éloigné pour mieux comprendre, comment on en est arrivé là … Comment d’une vie de couple frustrée, dans laquelle on ne faisait qu’attendre de se voir, de se toucher, de s’embrasser, on a pu passer à une vie d’étouffement, où on ne peut plus se parler sans crier, sans pleurer, sans partir ? Et comment a-t-il pu me laisser partir ? On s’est trompé, comme tant d’autres couples qui se pensent fusionnels avant de se découvrir si différents qu’ils ne se comprennent pas. On ne se comprend pas. Il ne comprend pas qu’il me blesse, à chaque fois qu’il m’abandonne pour aller s’amuser, entouré de filles plus salopes les unes que les autres. Des filles qui boivent, et s’offrent dans les pelouses ou voitures environnantes. Je ne peux plus le suivre. Je ne fais plus partie de ses filles. Je ne fais plus partie de ce monde de débauche inutile qui ne mène à rien d’autre qu’au mal être. Alors s’il ne change pas, s’il n’évolue pas, s’il ne comprend pas que j’ai besoin de plus de preuves d’attachement et de fidélité, plus de preuves d’amour, à quoi bon s’acharner ? Je ne saurais pas vivre ma vie avec un homme qui va se miner la gueule trois ou quatre fois par semaine, qui rentre à deux heures du matin ivre mort, qui me pourris mes dimanches calmes avec ses retours d’excès de la veille. Je ne pourrais toute ma vie me demander où il est, ce qu’il fait, avec qui, et surtout pourquoi ? Pourquoi préfère-t-il boire jusqu’à l’aube plutôt que de passer la nuit avec moi ? Est-ce que c’est le fait de m’avoir à ses côtés tous les soirs de la semaine qui le rend si indifférent ? Je n’existe plus. Je ne suis plus que la pauvre femme qui attend sagement que son homme déloyal rentre au bercail. Et je ne veux pas être cette femme. Je veux qu’on me fasse rêver, et s’il n’y arrive pas c’est parce qu’il ne connaît pas.
J’aimerai que tout redevienne comme avant. Le début, avec les papillons dans le ventre, les étoiles dans les yeux, toutes ces conneries qui font qu’on en veut encore. L’insouciance des premiers temps, où je n’avais pas peur qu’il me trompe, où j’avais confiance en lui, en moi, en nous. Tout s’efface petit à petit. Le temps fait son œuvre et tout terni. Et je me retrouve chez ma mère, à pleurnicher une nouvelle fois sur une vie merdique, pétard à la bouche, musique triste en fond sonore, et toujours les mêmes putains d’arbres qu’il y a onze ans devant les yeux. Retour à la case départ.